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Sigmund Freud
L'IDENTIFICATION
J.LACAN
Sèminaire
IX
aula 21
Séminaire du 23 mai 1962
Pourquoi un signifiant est-il saisi de la moindre chose, peut-il saisir la
moindre chose? voilà la question, une question dont peut-être
il n'est pas excessif de dire qu'on ne l'a point encore posée en raison
de la forme qu'a prise classiquement la logique. En effet le principe
de la prédication qui est la proposition universelle n'implique
qu'une chose c'est que ce que l'on saisit ce sont des êtres nullifiables:
dictum de omni et nullo. Pour ceux de qui ces termes ne sont pas
familiers et qui par conséquent ne comprennent pas très bien,
je rappelle ce qu'est ce que je suis entrain de vous expliquer depuis plusieurs
fois, à savoir de prendre le support du cercle d'Euler d'autant plus
légitimement que ce qu'il s'agissait de subsistuer est autre chose,
le cercle d'Euler comme tout cercle si je puis dire naïf, cercle à
propos duquel la question ne se pose pas de savoir s'il cerne un morceau,
un lambeau. Le propre du cercle, détache-t-il un lambeau
de cette surface hypothétique impliquée, c'est qu'il peut se
réduire progressivement à rien. La possibilité
de l'universel, c'est la nullité. Tous les professeurs, vous ai-je
dit un jour - parce que j'ai choisi cet exemple pour ne pas retomber toujours
dans les mêmes problèmes - tous les professeurs sont lettrés
; eh bien, si par hasard quelque part aucun professeur ne mérite d'être
qualifié de lettré, qu'à ceci ne tienne nous aurons
des professeurs nuls. Observez bien que ceci n'est pas équivalent
à dire qu'il n'y a pas de professeurs. La preuve, c'est que les professeurs
nuls, eh bien, nous les avons à l'occasion. Quand je dis "avoir",
prenez cet avoir au sens fort, au sens dont il s'agit. Ce n'est pas comme
cela un mot glissant, destiné à laisser échapper la
savonnette. Quand je dis "nous les avons", cela veut dire que nous sommes
habitués à les avoir. De même nous avons des tas de choses
comme cela : nous avons la république, comme disait un paysan avec
qui je conversais il n'y a pas très longtemps cette année,
nous avons eu la grêle, et puis après les boy-scouts. Quelque
soit la précarité définitionnelle pour le paysan de
ces météores, le verbe avoir a donc bien ici son sens.
Nous avons par exemple aussi les psychanalystes
et c'est évidemment bien plus compliqué parce que les psychanalystes
commencent à nous faire entrer dans l'ordre de la définition
existentielle. On y entre par la voie de la condition. On dit par exemple
: il n'y a pas, nul ne pourra se dire psychanalyste s'il n'a été
psychanalysé. Eh bien, il y a un grand danger à croire que
ce rapport soit homogène avec ce que nous avons évoqué
précédemment dans ce sens où, pour nous servir des cercles
d'Euler, il y aurait le cercle des psychanalysés; mais, comme chacun
sait, tous les psychanalystes devant être psychanalysés, le
cercle des psychanalystes pourrait donc être tracé inclus au
cercle des psychanalysés. Je n'ai pas besoin de dire que si notre
expérience avec les psychanalystes n'avait pu être analysée,
c'est probablement que les choses ne sont pas si simples, à savoir
qu'après tout, ce n'est pas évident au niveau du professeur
que le fait même de fonctionner comme professeur puisse aspirer au
sein du professeur, à la manière d'un siphon, quelque chose
qui le vide de tout contact avec les effets de la lettre, il est au contraire
tout à fait évident pour le psychanalyste que tout est là.
Il ne suffit pas de renvoyer la question à qu'est-ce que c'est que
d'être psychanalysé ? Car bien entendu ce qu'on croit
faire là, et bien sûr naturellement, ne serait que de détourner
personne de mettre au premier plan la question de ce que c'est qu'être
psychanalysé. Mais dans le rapport au psychanalyste, ce n'est pas
cela qu'il s'agit de saisir, si nous voulons attraper la conception du psychanalyste
c'est de savoir qu'est-ce que ça lui fait au psychanalyste d'être
psychanalysé, ceci en tant que psychanalyste et non pas partie des
psychanalysés. Je ne sais pas si je me fais bien entendre, mais je
vais vous ramener une fois de plus au b-a-ba, à l'élémentaire.
Si tout de même à entendre le plus vieil exemple de la logique,
le premier pas que l'on fait pour pousser Socrate dans le trou, à
savoir : "Tous les hommes sont mortels", depuis le temps qu'on nous tympanise
avec cette formule, je sais bien que vous avez eu le temps de vous endurcir,
mais pour tout être un peu frais, le fait même de la promotion
de cet exemple au coeur de la logique ne peut pas ne pas être la source
de quelque malaise, de quelque sentiment de (->p449) (XXI/3) l'escroquerie.
Car en quoi nous intéresse une telle formule, si c'est l'homme qu'il
s'agit de saisir ? A moins que ce dont il s'agisse - et c'est justement ce
que les cercles concentriques de l'inclusion eulérienne escamotent
-, ce n'est pas de savoir qu'il y a un cercle de mortels et à l'intérieur
le cercle de l'homme, ce qui n'a strictement aucun intérêt,
c'est de savoir qu'est-ce que ça lui fait à l'homme d'être
mortel, d'attraper le tourbillon qui se produit quelque part au centre de
la notion d'homme de ce fait de sa conjonction au prédicat mortel,
et que c'est bien pour ça que nous courrons après quelque chose
; quand nous parlons de l'homme, c'est justement à ce tourbillon,
à ce trou qui se fait là dans le milieu quelque part que nous
touchons.
J'ouvrais récemment un excellent livre d'un auteur
américain dont on peut dire que l'œuvre accroît le patrimoine
de la pensée et de l'élucidation logique. Je ne dirai pas son
nom parce que vous allez chercher qui c'est. Et pourquoi est-ce que je ne
le fais pas ? Parce que, moi, j'ai eu la surprise de trouver dans les pages
où il travaille si bien un tel sens si vif de l'actualité du
progrès de la logique, où justement mon huit intérieur
intervient.
Il n'en fait pas du tout le même usage que moi.
Néanmoins je me suis amené à la pensée que quelques
mandarins parmi mes auditeurs viendraient me dire un jour que c'est là
que j'ai péché. Sur l'originalité du passage de M. Jakobson,
je compte en effet la plus forte référence. Il faut dire que
dans ce cas je crois avoir commencé à pousser en avant la métaphore
et la métonymie dans notre théorie quelque part du côté
du discours de Rome qui est paru. - c'est en parlant avec Jakobson qu'il
m'a dit : "Bien sûr, cette histoire de la métaphore et de la
métonymie, nous avons tordu cela ensemble, souvenez-vous, le 14 juillet
1950". Pour le logicien en question, il y a longtemps qu'il est mort, et
son petit huit intérieur précède incontestablement sa
promotion ici. Mais quand il entre d'un bon pas dans son examen de l'universel
affirmatif, il use d'un exemple qui a le mérite de ne pas traîner
partout. I1 dit : "Tous les saints sont des hommes, tous les hommes sont
passionnés, donc tous les saints sont passionnés," I1 ramasse
cela parce que vous devez bien sentir, dans un tel exemple, que le problème
est bien de savoir où est cette passion prédicative la plus
extérieure, de ce syllogisme universel de savoir quelle sorte de passion
revient au cœur pour faire la sainteté.
Tout cela, j'y ai pensé ce matin, je veux dire
à vous le dire comme cela pour vous faire sentir ce dont il s'agit
concernant ce que j'ai appelé un certain mouvement de tourbillon.
Qu'est-ce que nous essayons de serrer avec notre appareil concernant les
surfaces, les surfaces au sens que nous entendons leur donner d'un usage
ici qui, pour rassurer mes auditeurs inquiets, est peut être, de mes
excursions, peu classique, mais est tout de même quelque chose qui
n'est rien d'autre que de renouveler, de réinterroger la fonction
kantienne du schème ? Je pense que le radical illogisme à l'expérience
et l'appartenance de l'inclusion. Le rapport de l'extension à la compréhension,
au cercle d'Euler - toute cette direction s'est engagée avec le temps
logique - est-ce que dans le fourvoiement même elle n'est pas le rappel
de ce qui fut, à son départ, oublié, ce qui fut à
son départ l'objet dont il s'agit - fût-il le plus pur : est-il
ou sera-t-il, quoi qu'on fasse, l'objet du désir - et que s'il s'agit
de le cerner pour l'attraper logiquement, c'est-à-dire avec le langage,
c'est que d'abord il s'agit de le saisir comme objet de notre désir,
l'ayant saisi de le garder, ce qui veut dire l'enclore et que ce retour de
l'inclusion au premier plan de la formation logique, il trouve sa racine
dans ce besoin de posséder où se fonde notre rapport à
l'objet en tant que tel du désir.
Le Begriff évoque la saisie parce que c'est de
courir après la saisie d'un objet de notre désir que nous avons
forgé le Begriff. Et chacun sait que tout ce que nous voulons posséder
pour le désir, et non pour la satisfaction d'un besoin nous fuit et
se dérobe. Qui ne l'évoque dans le prêche moraliste !
Nous ne possédons rien enfin ! I1 faudra quitter tout cela, dit le
célèbre cardinal, comme c'est triste ! Nous ne possédons
rien, dit le prêche moraliste, parce qu'il y a la mort.
Ce qu'on nous promet au niveau du fait de la mort réelle
n'est pas ce qui est en question ; ce n'est pas pour rien qu'une longue année
je vous fis promener dans cet espace que mes auditeurs ont qualifié
d'entre-deux-morts. La suppression de la mort réelle n'arrangerait
rien à cette affaire du dérobement de l'objet du désir
parce qu'il s'agissait de l'autre mort, celle qui fait que même si
nous étions pas mortels, si nous avions promesse de vie éternelle,
la question reste toujours ouverte si cette "vie éternelle", je veux
dire dont serait écartée toute promesse de la fin, n'est pas
concevable comme une forme de mourrir éternellement.
Elle l'est assurément puisque c'est notre condition
quotidienne, et nous devons en tenir compte dans notre logique d'analystes
parce que c'est ainsi, si la psychanalyse a un sens et si Freud n'était
pas fou. Car c'est cela que désigne ce point dit de l'instinct de
mort.
Déjà le physiologiste le plus génial,
on peut dire, de tous ceux qui ont le sens de ce biais de l'approche biologique,
Bichat : "La vie, dit-il," est l'ensemble des forces qui résistent
à la mort. "Si quelque chose de notre expérience peut se réfléchir,
peut un jour prendre sens ancré sur ce plan si difficile, c'est cette
précession produite par Freud de cette formule du tourbillon de la
mort sur les flancs de laquelle la vie se cramponne pour ne pas y passer.
Car la seule chose à ajouter pour rendre à quiconque cette
fonction tout à fait claire, est qu'il suffit de ne pas confondre
la mort avec l'inanimé, quand dans la nature inanimée il suffit
que nous baissant nous ramassions la trace de ce que c'est qu'une forme morte,
le fossile, pour que nous saisissions que la présence du mort dans
la nature c'est autre chose que l'inanimé.
Est-il bien sûr que c'est là, coquilles et
déchets, une fonction de la vie ? C'est résoudre un peu aisément
le problème quand il s'agit de savoir pourquoi la vie ça se
tortille comme ça. Au moment de reprendre la question du signifiant
déjà abordée par la voie de la trace, il m'est venu
l'idée ironique, soudain sortant des dialogues platoniciens, de penser
que cette empreinte un tant soit peu scandaleuse dont Platon fait état
pensant à la marque laissée dans le sable du stade par les
culs nus des bien aimés, expressions vers lesquelles se précipitait
l'adoration des amants et dont la bienséance consistait à l'effacer,
ils auraient mieux fait de la laisser en place. Si les amants avaient été
moins obnubilés par l'objet de leur désir, ils auraient été
capables d'en tirer parti et d'y voir l'ébauche de cette curieuse
ligne que je vous propose aujourd'hui, telle est l'image de l'aveuglément
que porte avec lui trop vif tout désir.
Repartons donc de notre ligne qu'il faut bien prendre
sous la forme où elle nous est donnée : close et nullifiable,
la ligne du zéro originel de l'histoire effective de 1a logique. Si
nous y apprenons, y revenant d'ores et déjà, que nul c'est
la racine du tous, au moins l'expérience n'aura pas été
faite en vain.
Cette ligne, pour nous, nous l'appelons la coupure,
une ligne - c'est notre départ - qu'il nous faut tenir a priori pour
fermée. C'est là l'essence de sa nature signifiante. Rien ne
pourra jamais nous prouver, puisqu'il est de la nature de chacun de ces tours
de se fonder comme différents, rien dans l'expérience ne peut
nous permettre de se fonder comme étant la même ligne. C'est
justement cela qui nous permet d'appréhender le réel. C'est
en ceci que son retour étant structuralement différent, toujours
une autre fois, si cela se ressemble, alors il y a suggestion, probabilité
que la ressemblance vienne du réel. Aucun autre moyen d'introduire
d'une façon correcte la fonction du semblable. Mais ce n'est là
qu'une indication que je vous donne. A passer plus loin, il me semble que
je l'ai maintes fois répété si ce n'est, pour n'avoir
point à y revenir, que, tout de même la rappelant, je vous renvoie
à cette oeuvre d'un génie précoce et comme tous les
génies précoces trop précédemment disparu, Jean
Nicaud, "la Géométrie du Monde Sensible", où le passage
concernant la ligne axiomatique- peut-être quelques-uns d'entre vous
qui s'intéressent authentiquement à notre progrès peuvent
s'y reporter - montre bien comment l'escamotage de la fonction du cercle
signifiant dans cette analyse de l'expérience sensible est chimérique,
même l'auteur, malgré l'incontestable intérêt de
ce qu'il promeut, au paralogisme que vous ne manquerez pas d'y trouver. Nous
prenons au départ cette ligne dont l'existence de la fonction des
surfaces topologiquement définies a servi d'abord à renverser
pour vous l'évidence trompeuse que l'intérieur de la ligne
fût quelque chose d'univoque, puisqu'il suffit que la ligne se dessine
sur une surface définie d'une certaine façon , le tore par
exemple pour qu'il soit apparent que, tout en restant dans sa fonction de
coupure, elle ne saurait d'aucune façon y remplir la même fonction
que la surface que vous me permettrez sans plus d'appeler ici fondamentale,
celle de la sphère, à savoir de définir un lambeau de
nullifiable par exemple. Pour ceux qui viennent ici pour la première
fois, ceci veut dire une ligne fermée ici dessinée ou encore
celle-ci qui ne saurait en aucune façon se réduire à
zéro, c'est à savoir que la fonction de la coupure qu'elles
introduisent dans la surface est quelque chose qui à chaque fois fait
problème. Je pense que ce dont il s'agit concernant le signifiant,
c'est de cette liaison réciproque qui fait que si d'une part, comme
je vous l'ai rendu sensible la dernière fois à propos de 1a
surface de Moebius, cette jolie petite oreille contournée dont je
vous ai donné quelques exemplaires, la coupure médiane par
rapport à son champ la transforme en une surface autre qui n'est plus
cette surface de Moebius. Si tant est que la surface de Moebius est
-là-dessus je fais plus d'une réserve - peut-être
dite n'avoir qu'une face, assurément celle qui résultait de
la coupure en avait deux, de faces. Ce dont il s'agit pour nous, prenant
ce biais d'interroger les effets du désir par l'abord du signifiant,
c'est de nous apercevoir comment le champ de la coupure, la béance
de la coupure, c'est s'organisant en surface qu'elle fait surgir pour
nous les différentes formes où peuvent s'ordonner les temps
de notre expérience du désir.
Quand je vous dit que
c'est à partir de la coupure que s'organisent les formes de la surface
dont il s'agit, pour nous, dans notre expérience, d'être capables
de faire venir au monde l'effet du signifiant, je l'illustre - je ne l'illustre
pas pour la première fois - : voici la sphère, voici notre
coupure centrale prise par le biais inverse du cercle d'Euler ce qui nous
intéresse, ce n'est pas le morceau qui est nécessairement par
la ligne fermée, sur la sphère, détaché, c'est
la coupure ainsi produite et, si vous voulez, d'ores et déjà
le trou. I1 est bien clair que tout doit être donné de ce qui
nous trouverons à la fin, en d'autres termes qu'un trou cela a déjà
là tout son sens, sens rendu particulièrement évident
du fait de notre recours à la sphère. Un trou fait ici communiquer
l'un avec l'autre l'intérieur avec l'extérieur. Il n'y a qu'un
petit malheur : c'est que dès que le trou est fait, il n'y a plus
ni intérieur ni extérieur, comme est trop évident ceci,
c'est que cette sphère trouée se retourne le plus aisément
du monde. I1 s'agit de la créature universelle, primordiale, celle
du potier éternel. Il n'y a rien de plus facile à retourner
qu'un bol, c'est-à-dire une calotte. Le trou n'aurait donc pas grand
sens pour nous, s'il n'y avait pas autre chose pour supporter cette intuition
fondamentale - je pense que cela vous est familier aujourd'hui - c'est à
savoir qu'un trou, une coupure il lui arrive des avatars et le premier possible
est que deux points du bord s'accolent : une des premières possibilités
concernant un trou, c'est de devenir deux trous.
Certains m'ont dit : que ne référez-vous
à l'embryologie vos images ? Croyez bien qu'elles n'en sont jamais
bien loin. C'est ce que devant vous j'explique, mais ce ne serait qu'un alibi
parce qu'ici me référer à l'embryologie c'est m'en remettre
au pouvoir mystérieux de la vie dont on ne sait pas bien sûr
pourquoi elle croit devoir ne s'introduire dans le monde que par le biais,
l'intermédiaire de cette globule, de cette sphère qui se multiplie,
se déprime, s'invagine, s'avale elle-même, puis singulièrement
, du moins jusqu'au niveau du batracien le blastopore, à savoir ce
quelque chose qui n'est pas un trou dans la sphère, mais un morceau
de la sphère qui s'est rentré dans l'autre. Il y a assez de
médecins ici qui ont fait un tout petit peu d'embryologie élémentaire
pour se rappeler ce quelque chose qui se met à se diviser en deux
pour amorcer ce curieux organe que l'on appelle canal neurentérique
complètement injustifiable par aucune fonction, cette communication
de l'intérieur du tube neural avec le tube digestif étant plutôt
à considérer comme une singularité baroque de l'évolution
d'ailleurs promptement résorbée : dans l'évolution ultérieure
on n'en parle plus.
Mais
peut-être les choses prendraient-elles un tour nouveau à être
prises comme un métabolisme, une métamorphosme guidée
par des éléments de structure dont la présence et l'homogénéité
avec le plan dans lequel nous nous déplaçons dans la tenue
du signifiant sont le terme d'un isolement en quelque sorte prévital
de la trace de quelque chose qui pourrait peut-être nous mener à
des formalisations qui même sur le plan de l'organisation de l'expérience
biologique pourraient s'avérer fécondes, quoi qu'il en soit,
ces deux trous isolés à la surface de la sphère, ce
sont eux qui rejoints l'un à l'autre et très prolongés
puis conjoints, nous ont donné le tore. Cela n'est pas nouveau. Simplement
je voudrais bien articuler pour vous le résultat ; le résultat
d'abord, c'est que
s'il y a quelque chose qui
pour nous supporte l'intuition du tore, c'est cela : un
macaroni qui se rejoint, qui se mord la queue ; c'est ce qu'il y a
de plus exemplaire dans la fonction du trou. Il y en a un au milieu
du macaroni et il y a un courant d'air, ce qui fait qu'en passant à
travers du cerceau qu'il forme il y a un trou qui fait communiquer l'extérieur
avec l'intérieur, et puis il y en a un autre plus formidable encore
qui met un trou au coeur de la surface qui est là trou tout en étant
en plein extérieur. L'image du forage est introduite ; car ce que
nous appelons trou, c'est cela c'est ce couloir qui s'enfoncerait dans une
épaisseur, image fondamentale qui quant à la géométrie
du monde sensible n'a jamais été suffisamment distinguée.
Et puis l'autre trou qui est le trou central de la surface, à savoir
le trou que j'appellerai le trou courrant d'air, ce que je prétends
avancer pour poser nos problèmes, c'est que ce trou courrant d'air
irréductible, si nous le cernons d'une coupure, c'est proprement là
que se tient, dans les effets de la fonction signifiante, a , l'objet en
tant que tel. Ceci veut dire que l'objet est raté, puisqu'il ne saurait
en aucun cas y avoir là que le contour de l'objet, dans tous les sens
que vous pouvez donner au mot contour. Une autre possibilité s'ouvre
encore qui pour nous vivifie, donne son intérêt à la
comparaison structurante et structurale de ces surfaces, c'est que la coupure
peut en surface s'articuler autrement. Le trou ici dessiné à
la surface de la sphère, nous pouvons énoncer, formuler, souhaiter
que chaque point soit conjoint à son point antipodique, que sans nulle
division de
la béance, la béance
s'organise en surface de cette façon qui l'esquisse complètement
sans le médium de cette division intermédiaire. Je vous l'ai
montré la dernière fois et je vous le remontrerai : ceci
nous donna la surface qualifiée de bonnet ou de cross-cap, à
savoir quelque chose dont il convient que vous n'oubliez pas que l'image
que je vous ai donnée n'est qu'une image à proprement parler
tordue puisque ce qui semble à tout un chacun qui pour la première
fois a à y réfléchir, ce qui y fait obstacle,
c'est la question de cette fameuse ligne d'apparente pénétration
de la surface à travers elle-même qui est nécessaire
pour la représenter dans notre espace. Ceci que je désigne
ici dune façon tremblée, est fait pour indiquer qu'il faut
la considérer comme vacillante, non pas fixée.. En d'autres
termes nous n'avons jamais à tenir compte de tout ce qui se promène
ici d'un côté à l'extérieur de la surface, qui
ne saurait passer à l'extérieur de ce qui est de l'autre cote
puisqu'il n'y a pas de réelle rencontre des faces, mais au contraire
ne saurait passer que de l'autre côté à l'in térieur
donc de l'autre face, je dis l'autre par rapport à l'observateur
ici placé.
Donc de
représenter les choses ainsi concernant cette forme de surface, ne
tient qu'à une certaine incapacité des formes intuitives de
l'espace à trois dimensions pour permettre le support d'une image
qui rende réellement compte de la continuité obtenue sous le
nom de cette nouvelle surface dite cross-cap, le bonnet en question. En d'autres
termes, qu'est-ce que cette surface soutient ? Nous l'appellerons - puisque
ce sont là les thèses que j'avance d'abord, et nous nous permettrons
ensuite de donner son sens à l'usage que je vous proposerai de faire
ces diverses formes - nous l'appelons cette surface, non pas le trou car
comme vous le voyez, il y en a au moins un qu'elle escamote, qui disparaît
complètement dans sa forme - mais la place du trou. Cette surface
ainsi structurée est particulièrement propice à faire
fonctionner devant nous cet élément le plus insaisissable qui
s'appelle le désir en tant que tel, autrement dit le manque. Il
reste pourtant que pour cette surface
qui comble la béance
malgré l'apparte nance qui fait de tous ces points que nous appellerons,
si vous le voulez, antipodiques, des points équivalents, ils ne peuvent
néanmoins fonctionner dans cette équivalence antipodique s'il
y a deux points privilégiés. Ceux-ci sont ici représentés
par ce tout petit rond sur lequel m'a déjà interrogé
1a perspicacité d'un de mes auditeurs : "Qu'est-ce que vous voulez
en effet représenter ainsi par ce tout petit rond ?" Bien sûr
ce n'est d'aucune façon quelque chose d'équivalent au trou
central du tore puisque tout ce qui, à quelque niveau que vous
vous placiez de ce point-même privilégié, tout
ce qui s'échange d'un côté à l'autre de
la figure, ici passera par cette fausse décussation ou croisement
qui en fait la structure. Néanmoins ce qui est ainsi indiqué
par cette forme ainsi encerclée n'est pas autre chose que la possibilité
au-dessous, si l'on peut s'exprimer ainsi, de ce point de passer d'une surface
extérieure à l'autre. C'est aussi la nécessité
d'indiquer qu'un cercle non privilégié sur cette surface, un
cercle réductible si vous le faites glisser, si vous l'extrayez de
son apparence de mi-occultation au-delà de la limite apparemment ici
de recroisement et de pénétration pour l'amener à s'étendre,
à se développer ainsi vers la moitié inférieure
de la figure, et donc à s'isoler ici en une forme à l'extérieur
de la figure, devra toujours ici contourner quelque chose qui ne lui permet
pas en aucune façon de se transformer en ce qui serait son autre forme,
la forme privilégiée d'un cercle en tant qu'il fait le tour
du point privilégié et qu'il doit se figurer sur la surface
en question celle-ci en effet d'aucune façon ne saurait lui être
équivalente, puisque cette forme est quelque chose qui passe autour
du point privilégié, du point structural autour duquel est
supportée toute la structure de la surface ainsi définie.
Ce point double et point
simple à la fois autour duquel est supportée la possibilité
même de la structure entrecroisée du bonnet ou du cross-cap,
ce point c'est par lui que nous symbolisons ce qui peut introduire un objet
a quelconque à la place du trou. Ce point privilégié
nous en connaissons les fonctions et la nature: c'est le phallus, le
phallus pour autant que c'est par lui comme opérateur qu'un objet
a peut être mis à la place même où nous ne saisissons
dans une autre structure (tore) que son contour. C'est là la valeur
exemplaire de la structure du cross-cap que j'essaie d'articuler devant vous
: la place du trou,
c'est au principe ce point
d'une structure spéciale en tant qu'il s'agit de le distinguer des
autres formes de points, celui-ci par exempte défini par le recoupement
d'une coupure sur elle-même, première forme possible à
donner à notre huit intérieur. Nous coupons quelque chose dans
un papier par exemple et un point sera défini par le fait que la coupure
repasse sur l'endroit déjà coupé. Nous savons bien que
ceci n'est nullement nécessaire pour que la coupure ait sur la surface
une action complètement définissable et y introduise
ce changement dont il s'agit que nous prenions le support pour imager certains
effets du signifiant. Si nous prenons un tore et le coupons ainsi, ça
fait cette forme que nous avons ici dessinée, passant de l'autre côté
du tore, vous voyez bien qu'a aucun moment cette coupure ne se rejoint elle-même.
Faites-en l'expérience sur quelque vieille chambre à air, vous
verrez ce que cela donnera . cela donnera ma surface continue
organisée de telle sorte qu'elle se retourne deux fois sur elle
même avant de se rejoindre. Si elle ne s'était retournée
qu'une fois, ce serait une surface de Moebius. Comme elle se retourne
deux fois, cela fait une surface à deux faces qui n'est pas identique
à celle que je vous ai montrée l'autre jour après section
- surface du Moebius - puisque celle-là se retourne deux fois et une
autre fois encore différemment - anneau de Jordan.
Mais l'intérêt
c'est de voir qu'est-ce qu'est exactement ce point privilégié
en tant que comme tel il intervient, il spécifie le lambeau où
il reste irréductiblement, lui donnant l'accent particulier qui lui
permet pour nous à 1a fois de désigner la fonction selon laquelle
un objet ??? depuis toujours est avant même
l'introduction des reflets, des apparences que nous en avons sous forme d'images,
l'objet du désir. Cet effet, il ne le prend que des effets de la fonction
du signifiant et on ne fait que retrouver en lui sa destination de toujours
comme objet, c'est le seul objet absolument autonome, primordial par rapport
au sujet, décisif par rapport à lui au point que ma relation
à cet objet est en quelque sorte à inverser.
Que si dans le fantasme le sujet par un mirage en tous points parallèle
à celui de l'imagination du stade du miroir, quoique d'un autre ordre,
s'imagine de par l'effet de ce qui le constitue comme sujet, c'est-à-dire
l'effet du signifiant, supporter l'objet qui vient par lui combler le manque,
le trou de l'Autre - et c'est cela le fantasme -, inversement peut-on dire
que toute la coupure du sujet, ce qui dans le monde le constitue comme séparé,
comme rejeté, lui est imposé par une détermination non
plus subjective, allant du sujet vers l'objet, mais objective de l'objet
vers le sujet, lui est imposé par l'objet a, mais en tant qu'au coeur
de cet objet a il y a ce point central, ce point tourbillon par où
l'objet sort d'un au-delà du noeud imaginaire, idéaliste sujet-objet
qui a fait jusqu'ici depuis toujours l'impasse de la pensée, ce point
central qui de cet au-delà promeut l'objet comme objet du désir.
C'est ce que nous poursuivrons la prochaine fois.